En ce 8 mai 2025, nous faisons mémoire du jour où, il y a 80 ans, les armes se sont tues en Europe, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale. Ce fut un jour d’espérance au milieu des ruines, une trêve fragile mais nécessaire après tant de souffrances.
Aujourd’hui, dans cette année jubilaire, nous sommes appelés à être des pèlerins d’espérance, des hommes et des femmes qui avancent dans le désert de l’histoire avec une lumière intérieure plus forte que les ténèbres. Mais comment porter cette espérance, quand les conflits, les divisions, les haines secouent à nouveau notre monde? En Ukraine, en Terre Sainte, en Afrique, en Orient, et parfois jusque dans nos propres familles et sociétés ?
Les textes que nous venons d’entendre nous offrent une réponse précieuse.
Dans le livre des Actes des Apôtres, nous voyons l’Esprit de Dieu pousser Philippe à se lever, à prendre la route du désert. Il y rejoint un homme en quête : un ministre éthiopien, plongé dans la lecture du prophète Isaïe. Philippe l’interroge : « Comprends-tu ce que tu lis ? » Puis il lui annonce le Christ crucifié et ressuscité. Soudain, jaillit une question boulever
sante : « Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? »
Cette question résonne puissamment en ce jour de mémoire et d’intercession. Elle pourrait être celle de notre monde aujourd’hui : Qu’est-ce qui empêche que nous soyons réconciliés ? Qu’est-ce qui bloque le chemin de la paix ?
Le chemin que prend Philippe est désert, comme le sont souvent les routes de la paix : inhospitalières, arides, exigeantes. Mais c’est dans le désert que jaillit l’eau vive. Dans les blessures de l’histoire, peut éclore la vie nouvelle. Le baptême du ministre éthiopien devient signe d’espérance pour tous les peuples en quête de paix.
Le psaume reprend cette conviction confiante : « Béni soit Dieu, qui n’a pas écarté ma prière, ni détourné de moi son amour. » Oui, Dieu n’est pas absent de notre histoire. Il écoute les prières des justes, même si elles montent au milieu des ruines. Il soutient les artisans de paix, même s’ils semblent isolés. Le pape François nous rappelle avec insistance : « La paix est un artisanat : elle se construit jour après jour avec humilité et courage. »
Cette paix, elle ne tombe pas du ciel comme un miracle instantané. Elle naît du cœur des hommes quand ils acceptent d’aimer au lieu de haïr, de pardonner au lieu de se venger, de tendre la main au lieu de frapper.
Et c’est dans l’Évangile que nous recevons la source ultime de cette paix :
« Moi, je suis le pain vivant, descendu du ciel. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Le Christ donne sa propre vie pour nous. Il ne parle pas de paix abstraite. Il fait de sa chair un don, une offrande. Là est la racine d’une paix durable : dans le don de soi, dans la croix, dans l’amour jusqu’au bout.
Le pape saint Jean-Paul II l’a si bien dit : « La paix n’est pas seulement l’absence de guerre. Elle est une œuvre de justice. »
Sans justice, il n’y a pas de paix. Sans vérité, il n’y a pas de confiance. Sans amour, il n’y a pas d’avenir. La paix n’est possible que si nous devenons nous-mêmes Eucharistie, pain rompu pour les autres.
Frères et sœurs, en cette année jubilaire, le Seigneur nous invite à devenir des pèlerins d’espérance, non pas des touristes de la foi ni des spectateurs inquiets, mais des témoins actifs d’un avenir réconcilié, à commencer dans nos familles, nos communautés, nos engagements.
Comme saint François d’Assise le priait : « Là où est la haine, que je mette l’amour ; là où est l’offense, que je mette le pardon. » Et comme le rappelait sœur Emmanuelle : « Il ne peut y avoir de paix sur cette terre tant que les cœurs sont fermés à l’amour. »
Alors aujourd’hui, souvenons-nous avec gravité des drames de notre histoire. Mais n’oublions pas d’espérer. Ne nous laissons pas voler notre vocation de bâtisseurs. Et, en ce jour, redisons avec foi la question du ministre éthiopien : « Voici de l’eau. Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? »
Voici l’amour. Qu’est-ce qui empêche que je sois artisan de paix ?
Prière pour la paix (inspirée des textes et du Jubilé)
Seigneur Jésus,
Toi qui es le Pain vivant descendu du ciel,
Toi qui as donné ta vie pour que le monde ait la paix,
apprends-nous à être des pèlerins d’espérance.
Dans les déserts de notre monde blessé,
fais jaillir l’eau vive de la réconciliation.
Délie les cœurs fermés,
éclaire les responsables des nations,
soutiens les victimes des guerres,
réveille les consciences endormies.
Donne-nous le courage de bâtir la paix,
non par les armes, mais par l’amour,
non par la peur, mais par la justice.
Que ton Église, signe de ton Royaume,
soit toujours un lieu d’accueil, de pardon et de paix.
Et qu’en cette Année Sainte,
nous marchions ensemble, en pèlerins d’espérance,
vers la Jérusalem céleste
Toi, le Prince de la Paix, aie pitié de notre monde. Amen.
Avec plus grand souhait de paix pour nous tous. *
Père Piotr K. WILK