Dans le cadre d’un compagnonnage entre nos paroisses de Vagney et de Saint-Amé avec celle de Taybeh, nous avons pris le chemin de la Palestine et venons de passer près de quinze jours à Taybeh.
Nous y avons été accueillis dans les maisons de ses habitants, à leurs tables si généreuses, avec une amitié qui nous a bouleversés.
Depuis le Nouveau Testament, la ville garde l’empreinte des traces de Jésus.
Il s’y était retiré avec ses disciples aussitôt après la résurrection de Lazare, ainsi que le relate l’évangile de Jean au chapitre 11, 54[1].
Taybeh s’appelait alors Ephraïm et nombreuses sont les familles aujourd’hui qui remonteraient à cette époque, dont les ancêtres auraient été évangélisés par Jésus-même.
De visages en visages, reconnaissables, ils porteraient encore cette marque du Christ.
Ils sont chrétiens depuis toujours en la terre de Taybeh.
Aujourd’hui leur identité est mise à mal.
Les tracasseries quotidiennes des colons rendent leur vie difficile.
Il arrive de plus en plus souvent que leurs champs sont brûlés, leur bétail volé – jusqu’à 150 brebis l’autre nuit sans que personne ne s’interpose, que les routes sont bloquées et les empêchent de se rendre à leur travail.
Ils ont peur devant les intrusions répétées qui forcent l’intérieur de leurs maisons et de leurs fêtes.
Les lumières de Jérusalem brillaient au loin, à l’aune de cette demeure où nous avons été conviés un soir avec les paroissiens de Taybeh.
Jérusalem la Ville Sainte, leur est fermée, son accès interdit alors qu’elle ne se trouve qu’à une trentaine de km mais en territoire israélien.
Nous avons été témoins de la discrimination humiliante qui leur est infligée lors des contrôles.
Nombreux sont en effet les check-points hérissés au long des routes.
Nous avons vu ces panneaux aux inscriptions menaçantes : Palestiniens, pour vous il n’y a pas d’avenir en Palestine !
Ces obstacles et ces injonctions finissent par être intériorisés et de plus en plus de jeunes se décident à partir.
Les deux derniers en Espagne et aux Etats-Unis, il y a quelques jours.
Une immense souffrance pour tout le village et pour Abouna Bashar Fafawdleh en particulier.
Sa paroisse figure comme une clairière et comme un refuge dans l’obscurité et le désarroi actuel.
Avec l’aide du Patriarcat de Jérusalem et d’amis nombreux, les paroissiens construisent pierre après pierre des lieux d’avenir.
L’école a été agrandie.
Elle accueille quatre cents enfants dont 70% d’élèves musulmans venus des villages voisins.
Taybeh est une ville entièrement chrétienne. La seule de la Terre Sainte.
Les enfants apprennent à vivre ensemble et à se respecter dans leurs différences.
Après les classes ils se trouvent encore dans la cour devant l’église et ils emplissent l’air de leurs rires, de leurs chants et de leurs danses.
Ils aiment à se faire photographier et c’était devenu un jeu entre nous de leur montrer leurs images et de deviner ensuite leurs noms.
Leurs visages nous les gardons dans nos cœurs et notre prière.
Qu’ils puissent continuer à vivre dans leur beau village, étincelant de soleil, blanc comme cette petite pierre de l’Apocalypse, gravée du nom de celui qui le reçoit parce que vainqueur des tribulations en sa foi mais héritier d’une Promesse[2].
Tel est leur nom : Ephraïm.
Tel est leur message : Venez vers nous, n’ayez pas peur, vivez avec nous, voyez ce que nous vivons et devenez des relais à votre tour. Racontez les visages, racontez l’histoire et la vie de Taybeh.
Nous pouvons l’assurer, il n’est pas difficile de s’y rendre.
Nous avons suivi leur invitation.
Et nous avons reçu beaucoup plus que nous ne pourrons jamais leur donner.
Car le Christ Jésus est passé par là.
C’est vrai ils en sont les témoins.
Pour nous qui portons son nom en tant que chrétiens, leur appel ne peut pas nous laisser indifférents.
Danielle Metz
Voir l’article de Qassam Muaddi, un journaliste palestinien originaire de Taybeh :
https://agencemediapalestine.fr/blog/2025/10/09/deux-ans-de-genocide-dans-un-petit-coin-de-palestine/
[1] C’est pourquoi Jésus ne se montra plus ouvertement parmi les Juifs; mais il se retira dans la contrée voisine du désert, dans une ville appelée Ephraïm; et là il demeurait avec ses disciples. Jn,11,54
[2] Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, inscrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit. Ap. 2, 17
Extrait de l’émission Terre Sainte passée sur KTO, le 12 octobre
https://www.youtube.com/watch?v=lyAD9oDm9XU&t=689s