Introduction
Ce document rapporte les violations graves et persistantes des droits humains commises à l’encontre des habitants d’Al-Taybeh, une ville palestinienne située à l’est de Ramallah. Il s’agit d’attaques répétées et organisées, menées par des colons israéliens résidant dans les colonies et les avant-postes voisins. Ces violations s’inscrivent dans le cadre d’une politique plus large visant à renforcer le contrôle sur les terres palestiniennes et à déplacer les résidents locaux – une violation directe du droit international et des droits de l’homme, en particulier de la quatrième Convention de Genève, qui interdit le transfert de la population civile et la confiscation de biens privés.
Contexte
Al-Taybeh est une ville palestinienne dont les habitants dépendent essentiellement de l’agriculture et de l’élévage qui sont leurs principales sources de subsistance. La ville est entourée de plusieurs colonies et avant-postes de colons. Elle en est devenue une cible constante. Des harcèlements continus, perpétrés en toute impunité, avec la complicité des forces d’occupation israéliennes ont considérablement affecté la sécurité, l’économie et l’ accès des résidents à leurs terres.
Attaques et provocations continues
Les attaques des colons sont devenues quotidiennes à Al-Taybeh et dans les environs. Il s’agit notamment de provocations et de harcèlement à l’encontre des habitants effectués à l’entrée des villages et des zônes agricoles. Il s’agit encore d’intrusions et de vols dans les fermes d’élévage appartenant à des résidents de la région de Jabbas, à l’est d’Al-Taybeh. Les pertes financières sont considérables et ont une grave répercussion sur les moyens de subsistance et de vie. L’obstructionde des routes entrave la circulation dans la région de Caramelo. Les colons bloquent intentionnellement les voitures palestiniennes et intimident les conducteurs.
Menaces sur les routes principales
Les colons ont bloqué et harcelé à plusieurs reprises les véhicules palestiniens qui circulaient le long de la route reliant Deir Jarir et Silwad, la principale route reliant AlTaybeh à Ramallah. Ils arrêtent les voitures, intimident les passagers et, parfois même, jettent des pierres et menacent les chauffeurs. Tout ceci avec la complaisance des autorités israéliennes, sans qu’elles n’interviennent.
Fusillades et victimes civiles
Il y a quelques jours, des colons armés ont ouvert le feu sur un groupe d’habitants de Deir Jarir alors qu’ils passaient près d’Al-Taybeh. L’attaque a fait un mort et deux blessés. Cette attaque meurtrière signale une escalade dangereuse en l’absence totale de protection par les forces de l’ordre.
Confiscation des terres et des champs privés
Récemment, des colons ont labouré et cultivé illégalement des terres palestiniennes appartenant à des habitants d’Al-Taybeh. Ils ont empêchés ceux-ci de s’approcher de leurs champs. Cette action constitue une violation grave des droits de propriété. Les colons imposent un contrôle illégal sur les terres agricoles palestiniennes et mettent en péril une des activités économiques les plus vitales pour la vie de Taybeh qui est la récolte des olives. Les habitants craignent les colons et ont peur d’ accéder à leurs champs.
Intrusions dans la vie et sur les chantiers en construction
Les colons ont encore tracassé les habitants qui tentaient de construire de nouvelles maisons à la périphérie de la ville, proférant des menaces verbales, photographiant des chantiers de construction et parfois ont arrêté et fouillé des véhicules sous de faux prétextes de « sécurité ». Ces actions créent un climat de peur et d’intimidation destiné à dissuader les Palestiniens de rester sur leurs terres et d’étendre leurs habitations.
La migration en cours : une hémorragie qui ne s’arrête pas
Sous la violence continue qui engendre un climat de peur et d’oppression, et à cause des difficultés économiques de plus en plus contraignantes, nombreuses sont maintenant les familles à quitter Al-Taybeh, temporairement ou définitivement dans l’espoir de conditions meilleures ailleurs. Cette migration forcée représente une lente hémorragie de la communauté, elle prive la ville de sa jeunesse et de sa main-d’œuvre, et menace son tissu démographique et social. Si cette tendance se poursuit, elle conduira à un dangereux dépeuplement des zones rurales palestiniennes. Ce qui remplirait l ‘objectif ultime des colons qui veulent étendre leur territoire sans résistance.
Impact humanitaire et socio-économique
Les effets de ces violations récurrentes sont les suivants :
- La restriction de la liberté de mouvement et donc de l’accès aux terres agricoles.
- Les pertes économiques dues à la destruction des entreprises agricoles et d’élevage.
- La détresse psychologique chez les résidents, en particulier les enfants et les femmes.
- La perte d’emploi en raison de l’effondrement des petites entreprises et des fermes.
- L’usure des communautés et une dépendance croissante de l’aide reçue de l’étranger.
Recommandations
À la lumière des constatations ci-dessus, le présent rapport appelle à prendre les mesures urgentes suivantes :
- Les organisations internationales de défense des droits humains devraient immédiatement documenter, surveiller et signaler les violences commises par les colons à Al-Taybeh et dans les environs, et faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles mettent fin à ces violations.
- L’Autorité palestinienne et les institutions compétentes devraient fournir une assistance juridique et une protection aux résidents touchés, et faciliter l’accès à leurs terres pendant la saison de récolte des olives.
- La communauté internationale doit respecter ses obligations en vertu du droit international, en veillant à ce que les auteurs des violations commises dans les territoires occupés rendent des comptes et à ce que les civils soient protégés.
- Les programmes de résilience économique devraient être priorisés, notamment : – Soutenir des projets locaux à petite échelle tels qu’une usine de céramique, un projet de production d’eau minérale et d’autres industries communautaires. – Lancer des initiatives de création d’emplois pour les résidents qui ont perdu leur emploi – Promouvoir un projet de logements abordables pour aider les jeunes familles à rester dans la ville au lieu de migrer.
- Les organisations non gouvernementales et les bailleurs de fonds sont exhortés à orienter le financement humanitaire vers le développement durable à Al-Taybeh, à se concentrer sur l’autonomisation des agriculteurs locaux, la protection des moyens de subsistance ruraux et la prévention des déplacements forcés.
En ce moment même : attaques de colons pendant la saison de la récolte des olives
La saison des récoltes des olives est une période capitale et vitale pour les familles palestiennes tant du point de vue économique que culturel. A cette époque même, la violence des colons s’est intensifiée dans les zones agricoles entourant Al-Taybeh. Des groupes de colons, souvent escortés par les forces d’occupation israéliennes ou ignorés par eux, ont mené des assauts systématiques contre les agriculteurs et leurs terres. Il s’agit notamment :
- D’agressions physiques contre les agriculteurs pendant la récolte à force de coups et limogages, de jets de pierres et d’expulsion de leurs oliveraies.
- De vol des récoltes et de destruction des champs, arbres déracinés et vandalisés, outils agricoles dérobés.
- Du bloquage à l’accès des terres agricoles par la mise en place de points de contrôle ou de barrages routiers.
- L’utilisation de tactiques d’intimidation, telles que la menace armée ou des chiens de garde dans les champs d’oliviers.
Ces attaques privent non seulement les habitants de leur principale source de revenus annuels, mais visent également à rompre leur lien profond avec la terre. De nombreux agriculteurs ont été contraints d’abandonner complètement la récolte dans certaines régions en raison de la peur et de l’insécurité, ce qui a entraîné des pertes économiques substantielles et une érosion supplémentaire de la résilience des communautés.
Conclusion
La situation à Al-Taybeh est un exemple frappant d’agression systématique de la part des colons visant à déposséder les Palestiniens de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. En l’absence d’une intervention immédiate et d’un soutien durable, la ville est confrontée à la double menace d’un déplacement physique et d’un effondrement économique. Assurer la protection, la justice et le développement des habitants d’Al-Taybeh n’est pas seulement un devoir moral, mais aussi une obligation légale en vertu du droit international.
Père Bashar Fawadleh, Curé de la paroisse de Taybeh